mardi 12 avril 2016

Le Brigaudiot nouveau, notes de lecture (3) : la Zone proximale d'Apprentissages

1.1.B. Enseigner en prenant en compte la Zone Proximale d’Apprentissages

Cette croyance selon laquelle des jeunes enfants peuvent faire des « hypothèses sur » n’a pas de sens quand ils ne partagent rien de la culture adulte des maîtres.
Le grand malentendu est de croire que pour qu’il y ait apprentissage, un enfant doit tout « trouver par lui-même ». Quand il n’y a pas de « déjà là », il ne trouve rien du tout.

Les jeunes enfants ont tout à comprendre et c’est à partir de leur compréhension qu’ils peuvent apprendre.
(…)
Ma position est vygotskienne. Les conquêtes cognitives se font par l’intermédiaire d’outils de transformation et le langage est le plus important d’entre eux. C’est du langage des adultes, dans une situation de vraie vie, qu’un enfant va tirer des concepts, même les plus abstraits (par exemple, le concept de ‘lettre’ dans notre système d’écriture)  (…)
Pour qu’un enfant construise un concept, ou s’approprie une notion, trois éléments sont en jeu :
1. Il faut que l’enfant sache déjà quelque chose en rapport avec les nouvelles données, parce qu’il va ramener le nouveau au connu (au « déjà là ») pour pouvoir le traiter,
2. avant, pendant, et/ou juste après ce traitement, un adulte va lui donner, verbalement et/ou en action, des éléments pour l’aider dans ce processus intellectuel (étayage).
3. ces aides sont d’ordre cognitif (verbalisation des connaissances « déjà là » et verbalisation des connaissances « pas encore là ») et d’ordre métacognitif (verbalisation de ce que l’enfant doit faire lui-même pour apprendre).

Vygotski appelle « Zone Proximale de Développement » - connue sous l’abréviation ZPD – cet espace mental entre le connu et le nouveau. Chez cet auteur, le connu est un problème que l’enfant résout seul à un moment, sans difficulté, et la ZPD est constituée par ce qu’il ne peut résoudre qu’avec de l’aide (…)
 L’intervention de l’adulte est un « marche-pied cognitif ». L’enfant l’emprunte quand il peut, tout de suite ou plus tard, en fonction d’autres interventions dans d’autres contextes.
J’appellerai ZPA ou « Zone Proximale d’Apprentissages » cet espace de travail que le maître va prendre en compte pour enseigner. Dans le domaine des activités langagières, les progrès des enfants dépendent entièrement des capacités du maître à intervenir verbalement dans cette ZPA. Car les enfants n’apprennent pas « par eux-mêmes » mais apprennent « eux-mêmes » et uniquement grâce aux autres.

1.1.B.1. Enseigner dans la ZPA

Le cas de figure le plus confortable pour le maître est le moment où un enfant a une initiative langagière et/ou une action.

1.1.B.2. Enseigner en amont de la ZPA

Il s’agit des moments où le maître sait qu’il va faire/ dire / utiliser quelque chose qui n’appartient pas aux savoirs et savoirs faire des enfants de la classe. (…) il va intervenir parce qu’il faut un commencement à tout. Il a besoin de travailler en dehors de cette zone parce qu’on est à l’école et qu’il faut élargir les connaissances et les savoir-faire des enfants. Il va poser un premier repère en exposant, expliquant. (…)
La maîtresse veut travailler la compréhension de l’album (…). Elle a bien étudié le livre et l’histoire, et elle a, au préalable, réfléchi à ce qui pouvait faire obstacle à la compréhension des enfants (…) elle choisit de faire comme s’il s’agissait de « pas encore là » pour tous. Cette attitude est décisive. Ce n’est qu’avec cette manière de procéder que les enfants qui savent déjà sont confortés dans leur savoir et que les autres apprennent. C’est une stricte définition de ce que veut dire travailler pour tous. (…) cette attitude « n’abaisse pas le niveau ». En revanche, elle empêche les écarts de s’aggraver

1.1.B.3. Enseigner sans rien savoir de la ZPA

Il y a des moments ou le maître ne sait pas du tout quelle est la ZPA des enfants( ...) Une seule voie est possible : le mettre (l’enfant) en situation de résolution d’un problème, le mettre en réflexion sur une question et l’écouter, l’écouter, l’observer, l’observer. On verra le doigté que demande cette manière de faire, sachant qu’elle doit toujours finir pour l’enfant, par lui donner une réponse ou des réponses (…)
Ils vont tâtonner : ils sont en essai. Cette notion d’essai est décisive pour ne pas perdre d’enfants. Ils mobilisent alors des savoirs parcellaires, des souvenirs de séances de travail antérieures, des paroles de l’enseignante, des images mentales à partir des photos utilisées, etc. et ils apportent des réponses, leurs réponses. Ce sera à l’adulte de faire le tri dans tout ça : ce qui ne va pas du tout et pourquoi, ce qui peut aller, ce qui va, à coup sûr, par rapport au problème posé.
J’oppose cette notion d’essai :
-       d’une part, à ce qu’on appelle traditionnellement « le droit à l’erreur ». Car en maternelle les enfants ne font pas des erreurs, stricto sensu, puisqu’ils ne savent pas du tout.
-       d’autre part, à celle de « réussite ». (risque de perdre les autres)

1.1.B.4. Enseigner en aval de la ZPA

Une fois qu’un enfant sait quelque chose ou sait faire quelque chose, il n’a plus à le découvrir ni à l’apprendre. En revanche, il en est au tout début d’un apprentissage qu’il doit améliorer. On appelle ça un entraînement.

Principe de travail n°3

Pour ne pas perdre d’enfants, le maître prend en compte la Zone Proximale d’Apprentissages des enfants et s’y adapte.

Conséquence en termes d’organisation matérielle de la classe :
-       intervenir dans la ZPA d’un enfant se fait le plus souvent en situation duelle (…)
-       intervenir en amont de la ZPA avec des démonstrations se fait, soit devant le collectif classe, soit en atelier accompagné, notamment avec les enfants prioritaires.
-       intervenir dans l’ignorance de la ZPA se fait souvent d’abord en collectif, afin de savoir qui en est où.

-       ne pas intervenir car l’activité relève de l’aval de la ZPA, c’est mettre les enfants en atelier autonome.

extraits de Langage et école maternelle, Mireille Brigaudiot, ed. Retz

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