mercredi 30 décembre 2009

L'effet Pygmalion revisité par Cyrulnik

 "Il est très étonnant de constater à quel point les enseignants sous-estiment l'effet de leur personne et surestiment la transmission de leurs connaissances. Beaucoup d'enfants, vraiment beaucoup, expliquent en psychothérapie à quel point un enseignant a modifié la trajectoire de leur existence par une simple attitude ou une phrase, anodine pour l'adulte mais bouleversante pour le petit.
Les enseignants, en revanche, n'ont pas conscience de ce pouvoir. Les professeurs interrogés sur la réussite scolaire de leurs élèves ne s'attribue presque jamais le mérite du succès. Presque toujours, ils l'expliquent par une sorte de qualité inhérente à l'élève : "Il avait une bonne tête", "ça rentrait bien", "il était studieux"... comme si l'enfant avait possédé une sorte de qualité scolaire à laquelle ils étaient étrangers, un bon terreau où avaient poussé les connaissances qu'ils y avaient plantées(...)
les enseignants qui croient à la résilience ont un effet de résilience supérieur à ceux qui n'y croient pas. Même quand ils n'ont pas travaillé le concept, le simple fait d'en être convaincu construit une représentation intime qui s'exprime par des indices que l'enfant perçoit comme des informations massives, évidentes pour lui.
Mais cela ne peut pas constituer une recette comportementale puisque, pour faire un tuteur de résilience, il faut une constellation de pressions. Le petit changement d'interaction qui témoigne du changement de représentation dans l'esprit de l'enseignant est mieux accepté par les filles. Elles font facilement de ces indices comportement un tuteur de résilience puisque depuis leurs petites années, elles vont à l'école pour faire plaisir à maman, à papa et à la maîtresse."
Boris Cyrulnik, le murmure des fantômes p95-97